Briquetiers ambulants
Le 8 octobre 1921, Alfons Nelissen reçoit le permis de construire une « briqueterie permanente ». Mais comment mouler et cuire des briques à partir d’argile ?
Il n’en sait rien : il est forgeron ! Mais Alfons est prêt à relever un nouveau défi. De nature curieuse, il entend maîtriser tout le processus de fabrication, de l’argile à la brique. Le dimanche, seul jour de repos de la semaine, il embarque dans sa robuste Minerva, une marque de voiture belge. Il traverse la frontière avec les Pays-Bas et se rend dans des briqueteries des environs de Maastricht. Il discute avec le briquetier qui lui explique comment placer les briques dans le four et comment se déroule le processus de cuisson idéal.
Du four de campagne au four rond
Il commence avec un four de campagne dans lequel les briques sont moulées à l’aide d’une presse manuelle. Un ouvrier peut alors en mouler jusqu’à 5 500 par jour. Elles sont disposées en ligne sur le sol pour sécher en plein air, puis transportées jusqu’au four dans une brouette ou sur une charrette tirée par un cheval. Un four de campagne présente toutefois un inconvénient : il fonctionne uniquement l’été ! L’invention du four rond permet de poursuivre la production tout au long de l’année. Le fondateur des briqueteries Nelissen parvient à convaincre Keyers de devenir cuiseur. Ce dernier informe son patron qu’il connaît un spécialiste du moulage à la main : un certain Gerhard Stratermanns de Thorn, la ville blanche près de Roermond !
Ouvrier ambulant
À l’époque, les fabricants de briques voyagent en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique pour fabriquer des briques à la main et apprendre aux exploitants de briqueteries à mouler des boules d’argile en bonnes briques. Gerhard Stratermanns est l’un d’entre eux. Il est réputé pour être un spécialiste dans son domaine. « Mon grand-père était l’un des briquetiers itinérants qui avaient appris les ficelles du métier en Allemagne. Cela lui a permis d’acquérir suffisamment d’expérience pour transmettre ses connaissances », explique Gerard Stratermans, son petit-fils, qui est également un ancien échevin et conseiller communal de Riemst. « Il ne voyageait pas seul, mais en famille. Mon père l’accompagnait aussi. C’était un travail saisonnier. En dehors de la saison de cuisson des briques, il travaillait à la ferme et arrachait les betteraves dans les champs. »
Briques de parement moulées à la main
Le 14 février 1927, Gerhard et sa famille se rendent à la briqueterie de Kesselt. Ils y sont logés et nourris et y restent près de trois ans. Ils repartent le 9 décembre 1929. Pendant toutes ces années, il fabrique des briques de parement moulées à la main. Il s’agit des briques qui permettront à Nelissen de transformer au fil des ans l’entreprise familiale en un acteur (inter)national de l’industrie de la brique. Le célèbre moulage à la main marque le début d’un processus de production de briques durables. C’était il y a 100 ans. Les briques sont disposées en ligne sur le sol pour sécher. Ensuite, elles sont transportées jusqu’au four où elles sont cuites au charbon.
Paiement à la pièce
Combien d’heures travaille-t-il par jour ? Combien de briques moule-t-il à la main ? Il n’y a aucune trace du contrat qu’Alfons a conclu avec Gerhard. Nous avons toutefois réussi à trouver un contrat que le maître briquetier a négocié avec un certain Jakob Durst, propriétaire d’un four rond à Odenkirchen, en Allemagne. Gerhard était payé à la pièce et touchait son salaire à la fin de la semaine : 6,75 marks pour 1 000 briques ordinaires et 9,5 marks pour les briques de parement ! Il était assuré en cas de maladie et d’invalidité, ce qui était inédit dans les années 1920. Le propriétaire de la briqueterie payait la cotisation qu’il déduisait ensuite du salaire de son mouleur.